Dernier film visionné

Cure / Kyua (1997) de Kiyoshi Kurosawa - 8/10

Synopsis : Un officier de police, Takabe, enquête sur une série de meurtres dont les victimes sont retrouvées avec une croix gravée dans le cou. Un jour, un jeune vagabond est arrêté près de l’endroit où a été retrouvé le dernier corps. Il est vite identifié comme un ancien étudiant en psychologie, devenu fou et ayant d’inquiétants pouvoirs hypnotiques, lui permettant de pousser des gens à commettre des actes criminels…

Le film qui avait révélé le talent de ce réalisateur en occident après sa récompense au festival de Cannes . On a ici affaire à un thriller "maléfique" qui voit l'affrontement entre un sérial killer et un inspecteur de police. On pense immédiatement à Seven ou au Silence des agneaux mais ce film s'en démarque de part la motivation et l'apparence du tueur ainsi que l'apport d'éléments fantastiques. En effet il tue par personnes interposées et apparait plus comme un archange diabolique qui sème le mal par contamination comme dans Le témoin du mal sorti un an plus tard. En créant un univers glauque avec des couleurs désaturées, un rythme assez lent et des personnages inscrits dans un cadre le metteur en scène affirme un style qu'il n'aura de cesse de confirmer par la suite avec des films comme Kairo et Charisma.
Sous peine de perdre tout intérêt, cette confrontation entre deux personnalités aussi fortes nécessitait des acteurs talentueux et c'est le cas ici avec Kôji Yakusho, au jeu sobre mais inspiré, devenu une star au Japon,  et avec la révélation Masato Hagiwara étonnant dans sa composition d'amnésique manipulateur.
Cette œuvre sombre, à l'ambiance malsaine met en évidence les aspects obscurs de l'âme des protagonistes symbole d'un Japon malade de maux qui rongent ses habitants en perte de repères culturels. Elle marque une rupture avec le film traditionnel de fantôme japonais (Kwaidan) et annonce le renouveau du film d'horreur que d'autres réalisateurs comme Hideo Nakata viendront illustrer.

Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey - 8,5/10

Synopsis : En 1942, à Paris, un Français d’origine alsacienne, qui s’occupe d’œuvres d’art, découvre qu’un homonyme juif se sert de lui comme paravent pour de mystérieuses activités.

Premier d'une série de films tournés en France, cette œuvre est l'occasion pour Joseph Losey, alors expatrié, de réaliser une charge contre le racisme et de dénoncer l'attitude et la participation des français à cette chasse aux juifs pendant le régime de Vichy. Le réalisme de la reconstitution historique sert une mise en scène inspirée qui varie son esthétique suivant les situations et les personnages en jeu. Photographie lumineuse quand on montre la bourgeoisie qui se désintéresse du problème juif ou qui s'en moque comme dans la représentation caricaturale du juif Suss ou de la réception mondaine, images glacées lorsque l'administration intervient comme lors de la visite médicale qui ouvre le film ou lorsque Delon va aux archives et enfin aspect glauque dans tous les évènements où entrent en jeu les personnes persécutées.
Alain Delon qui était à l'origine du projet fait une de ses plus belles compositions toute en froideur et contrôle dans l'interprétation de ce personnage qui voit son activité de profiteur se retourner contre lui et dont la quête de son mystérieux homonyme va se confondre avec une recherche de sa propre personnalité. Le travail du réalisateur qui utilise beaucoup les miroirs comme dans The servant met remarquablement en valeur cette double identité.
Outre Michel Lonsdale, de nombreux acteurs apportent une contribution de qualité comme Jean Bouise, Massimo Girotti, Michel Aumonti ou Suzanne Flon et des débutants comme  Gérard Jugnot et Juliet Berto.
Si la deuxième partie souffre un peu d'incohérences scénaristiques et d'ellipses maladroites, la fin du film est remarquable avec la scène qui rappelle la rafle du vel d'hiv.

My Heart is that eternal rose de Patrick Tam : 8,5/10
Rick et Lap sont des amoureux dont la romance est brisé par le meurtre de l'inspecteur Tang dans lequel Rick et son père sont impliqués. Ils sont obligés de fuir chacun de leur côté. Six ans plus tard, Rick devenu tueur à gages, retrouve Lap alors qu'elle est devenue la fiancée du puissant chef de triades Shen. Les deux réalisent vite qu'ils ont encore des sentiments l'un envers l'autre.
Voici un film qui sous un enrobage de thriller est un vrai film d'amour, entre 2 personnages qui le savent voué à l'échec, mais qui s'y accroche jusqu'au bout. Ce n'est pas pour rien qu'on en parle comme d'un thriller romantique, car le plus intéressant dans le film, est justement l'expression des sentiments amoureux envers le personnage de Joey Wong(sublime) par les personnages masculins, et ce de manières totalement différentes.
Et la façon dont le réalisateur a de le mettre en scène, rend un peu plus cet amour palpable et douloureux pour tous les protagonistes.
A cela s'ajoute la magnifique photo de Christopher Doyle(chef op de Wong Kar Waï avec qui Tam a débuté) qui sublime un peu plus l'imagerie développé pendant le métrage.
Quant à la musique de Danny Chung, sa mélancolie finit d'achever une partition homogène, où toutes les parties se répondent avec brio.
Les acteurs participent aussi à donner au film ce ton si loin des polars classiques Hong Kongais de l'époque, a commencer par Joey Wong, qui apporte sa fraîcheur et une certaine tristesse à son rôle, quand les protagonistes masculins(dont un très jeune Tony Leung)amènent une densité plus dramatique à leurs personnages.
C'est donc une très belle découverte que ce film, à l'univers désenchanté, et dont la chanson titre vous hantera longtemps.

Les griffes de la peur de David Lowell Rich : 7,5/10

Tante Danny vit avec son neveu Luke et ses nombreux chats. Elle décide que lorsqu'elle décèdera, ses animaux hériterons de sa fortune. Mais quand Wylie, le frère de Luke, revient vivre à la maison avec sa nouvelle compagne, la vieille femme change d'avis et fait de Wylie son unique héritier.
Voici un film qui a surfé à l'époque, sur la vague des films d'animaux agressifs, et qui en prenant des chats pour protagonistes, arrivent à rendre les félins anxiogènes. Partant sur une base fantastique qui n'est jamais expliquée, toute la mise en scène de Lowell Rich est dirigée vers le climax final, en apportant par de petites séquences les informations nécessaires à l'histoire et aux menaces qui planent sur les protagonistes(bien aidé par la musique de Lalo Schiffrin et son côté expérimental).
Quant aux acteurs si le plaisir de retrouver Eléonore Parker dans un rôle ambiguë, est bien présent, c'est Michael Sarrazin qui tire son épingle du jeu en apportant une insouciance macabre au film, quand son frère (joué par Tim Henry)est aux antipodes par sa sobriété.
Reste la belle Gayle Hunnicutt, qui est l'élément moteur de l'histoire, dans un rôle de femme fatale.
C'est donc un film de genre bien maîtrisé, qui apportera son lot de sueurs froides, et un humour noir qui contraste avec l'époque pop et colorés des sixties qui sert de cadre au film.

Merci pour les retours.
Le premier film m'est totalement inconnu. Quelle édition as-tu visionnée ? (j'ai cherché et je n'ai vu que des dvd à des prix exorbitants).
Pour les griffes de la peur je le possède dans le coffret Hammer mais je ne l'ai pas encore regardé.

zardi a écrit:Merci pour les retours.
Le premier film m'est totalement inconnu. Quelle édition as-tu visionnée ? (j'ai cherché et je n'ai vu que des dvd à des prix exorbitants).
Pour les griffes de la peur je le possède dans le coffret Hammer mais je ne l'ai pas encore regardé.

Le Blu Ray du premier vient de chez spectrum film dans une très belle copie.
Le second est une édition rimini dans une belle copie,bien qu'inégale.

Licorice pizza de Paul Thomas Anderson 7/10 - Arlequin - Paris - 70mm pellicule.
La vie et les amours de jeunes dans les années 70...
J'ai toujours un peu de mal avec PT Anderson... Mais comme je suis passionné par les formats cinématographiques inhabituels, je vais voir tout ses films car ils sont en général en 70mm. Et je suis rarement déçu car ils sont toujours originaux, que ce soit l'histoire ou la façon de filmer.
(à part Inherent Vice (j'ai rien compris) et Punch-drunk love qui m'a donné envie de vomir)
Donc nous avons deux jeunes qui se "cherchent", elle est plus âgée que lui (qui est mineur dans le film) et il va tenter plein de choses qui vont souvent tourner au fiasco. C'est un peu plein d'histoires presque indépendantes les unes de autres et forcément de niveaux inégaux.
J'ai passé un très bon moment, même si le film est un peu long. (Mais je dis toujours ça de nos jours...)

Mean Creek (2004) de Jacob Estes - 7,5/10

Synopsis : Parce qu’il ne supporte plus de se faire tabasser à l’école par cette brute de George, Sam se confie à son grand frère, Rocky. Ensemble, ils échafaudent un plan pour se venger.

A travers ce récit initiatique le réalisateur porte un regard tendre mais réaliste sur une jeunesse qui ne fait que répercuter les qualités et défauts du monde des adultes. On n'est pas loin de Stand by me avec toutefois moins  de rêve et de poésie. Cette bande hétéroclite de gamins va être confrontée à un drame qui va les obliger à prendre une grave décision.
L'aspect bucolique avec de belles images donne un certain charme à cette aventure réussie dans la première partie du film mais qui pêche un peu à cause d'un scénario qui se veut trop démonstratif après le drame. En particulier le personnage de l'ainé de la bande est tellement accablé de défauts qu'il en devient caricatural. Finalement on a un portrait très désenchanté de cette jeunesse américaine livrée à elle-même ne faisant jamais appel à l'aide de leurs parents même dans des situations d'une grande gravité.
Côté interprétation il n'y a pas de fausse note, tous les enfants jouent à la perfection et trouvent dans ce film un beau tremplin pour leur carrière.

I origins (2014) de Mike Cahill - 7/10

Synopsis : Sur le point de faire une découverte scientifique, un médecin part en Inde à la recherche d’une jeune fille qui pourrait confirmer ou infirmer sa théorie. Le film retrace le voyage incroyable qui va relier des individus totalement différents, et prouver que la science et les sentiments ne sont pas deux univers séparés…

Cela démarre comme une belle romance à la sensibilité exacerbée avec une relation fusionnelle entre deux jeunes personnes aux caractères très différents, lui (Michael Pitt) scientifique à l'esprit très cartésien et elle (Astrid Bergès-Frisbey, une belle découverte) extravertie et sensible.
La suite est moins enthousiasmante avec un scénario qui fait la part belle à une science fiction qui se veut crédible mais totalement irréaliste avec pour thème un rapprochement entre la thèse créationniste et celle de l'évolution.
En fait tout l'accompagnement expérimental sensé donner de la véracité au récit est tellement artificiel qu'il enlève toute saveur au final qui aurait pu être magnifique en ne faisant par exemple jouer que le hasard. Dommage, car les qualités (interprétation, photographie et musique) sont bien réelles et auraient pu aboutir à un très bon film basé sur la réincarnation.

zardi a écrit:...Astrid Bergès-Frisbey, une belle découverte...

Oui, je l'avais trouvée excellente dans "La fille du puisatier (2011)", un de mes "Pagnol" préférés...

Sicario (2015) de Denis Villeneuve - 9/10

Synopsis : La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Pari réussi pour le cinéaste canadien qui, même s'il n'a pas réinventé les codes du genre, signe un film d'action réaliste et presque documentaire. La violence est omniprésente mais n'a pas un aspect manichéen, les deux camps, la CIA et les cartels, étant clairement dans une zone de non droit où tous les coups sont permis, seule l'efficacité compte. Depuis Traffic c'est le film le plus marquant sur la lutte contre la drogue.
La photographie lumineuse est splendide et on a droit à quelques séquences de haute volée en particulier l'expédition à Juarez avec un rythme effréné lors du passage du convoi sur l'autoroute et dans des rues bariolées filmées avec un grand angle. Les photos aériennes, peut être surabondantes, captent très bien cette frontière, ligne rectiligne et sombre qui fend le désert du Nouveau Mexique.
Le final, pétrifiant, est un peu moins réussi avec Alejandro qui règle ses comptes en pénétrant dans cette villa du baron de la drogue comme on entre dans un moulin.
Côté interprétation Emily Blunt et Josh Brolin assurent mais c'est encore une fois Benicio Del Toro qui se met en évidence par son charisme et sa présence presque bestiale dans la peau d'un personnage assoiffé par son désir de vengeance.
L'efficacité de la mise en scène, la qualité du montage, le talent du chef opérateur Roger Deakins et la musique sourde et angoissante de Jóhann Jóhannsson font de cette équipée une réussite malgré un sujet largement rebattu.

Jimmy P. (Psychothérapie d'un indien des plaines) / Jimmy P. (Psychotherapy of a plains indian) (2013) de Arnaud Desplechin - 7/10

Synopsis : Jimmy est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale atteint de troubles psychologiques. Un spécialiste des cultures amérindiennes est appelé pour l'aider.


Filmer pendant près de deux heures une série d'entretiens entre un soldat traumatisé et un psychothérapeute semble une gageure synonyme d'ennui et d'échec. Et pourtant il n'en est rien car le réalisateur réussit à imposer sa vision humaniste et celle d'une société qui dépasse largement les enjeux évoqués.
Ce tour de force est rendu possible par deux acteurs habités par leur personnage. Benicio Del Toro comme toujours charismatique excelle dans ce rôle d'homme tourmenté souffrant de maux qu'il n'arrive pas à identifier. Mathieu Amalric incarne un ethnologue assoiffé de connaissances et pétri de malice et d'humanité. Leurs échanges sont riches et très bien écrits (le réalisateur a respecté le carnet de notes écrit par le vrai Dr Deveureux). Cette rencontre entre deux personnes issues de groupes persécutés (les amérindiens et les juifs) donne l'occasion à une réflexion sur la société américaine gangrénée par les excès de son passé.
Un film didactique et agréable qui renverse les préjugés. Seul reproche une musique inadaptée au climat instauré par la réalisation.